Chapitre 7 : Une amie précieuse
- Si tu n'étais pas dans un lit d'hôpital, je te tabasserais jusqu’à ce que les urgences viennent récupérer tes restes !
- Salut Nathalie, content de te voir aussi. Peux-tu juste parler un peu moins fort, j'ai très mal à la tête.
- Pauvre petit choux. J'en ai rien à foutre ! Je me suis fait un sang d'encre. T'es resté trois jours dans le coma. T'as vraiment de la chance de t'en être sorti aussi bien.
- Aussi bien ? J'ai tout de même pas mal de côtes fêlées, une cheville en miette et je suis brûlé sur tout le côté gauche, sans parler du mal de tête.
- Ça va se réparer. Par contre, ta moto est à la casse. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- J'ai pris un virage un peu trop rapidement, je crois.
- C’est-à-dire ?
- Heu... A un moment, le compteur affichait 140...
- Quoi ? En pleine ville ? Tu cherchais à te suicider ou finir en prison ? Mais, ça ne va pas bien dans ta tête ?
- Crie moins fort, s'il te plait. Et peux-tu me passer de l'eau ?... Merci...
Je n'arrivais presque pas à bouger. J'étais drogué par tous ces médicaments et je ne savais même pas à quoi ils servaient. Rien qu'avaler une gorgée me faisait mal partout, mais je mourais trop de soif.
- Encore un peu... Merci... T'as vu un docteur ou un autre truc du genre ?
- Oui. T'as vraiment eu de la chance. Ils ont eu peur que tu ais une liaison à la tête, mais à priori rien de grave. Ils préfèrent tout de même te garder en observation une dizaine de jours... Je n'ai pas réussi à joindre Pauline pour lui annoncer...
- Je m'en fous d'elle !
- Menteur. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Ben, j'ai pris un virage...
- Ne te fous pas de ma gueule ! Alors ?
- Il ne s'est rien passé ; je suis juste passé lundi midi chez elle, et elle était en train de baiser avec un type. C'est tout, fin de l'histoire.
- T'es rentré comme ça ?
- Elle m'avait prévenu que sa sonnette ne fonctionnait pas, et comme j'avais le double des clés...
- Et tu t'es cassé la gueule en moto après. J'ai compris. Mais, je préfèrerai avoir la version longue et détaillée de cette histoire.
La version longue ? Non, je ne lui ai pas parlé de cette vidéo porno mettant en scène Pauline. J'ai tourné d'une autre façon, un désaccord, simplement. Pour le reste, je pouvais rentrer dans les détails. Le SMS que Pauline m'avait envoyé pour qu'on se voit le soir. J'étais content qu'elle veule encore me parler, reçu juste trente secondes avant que je ne lui en envoie un pour avoir de ses nouvelles. Elle avait été plus rapide que moi.
Trop pressé de vouloir lui répondre, j'ai cogné dans je ne sais plus qui, j'ai lâché mon téléphone exactement au moment où Bernadette passait...
- Ha oui. Il aurait eu plus de chance de survivre si ça avait été un rouleau compresseur. Mais, tu ne pouvais pas l'appeler de ton fix ou de ton portable pro ?
- Ben, je ne connais pas encore son numéro de téléphone par cœur.
- Ben, moi je l'ai. Il est dans son dossier, imbécile !
- J'avais de toute façon prévu d'aller la voir durant le midi. Ça n’aurait rien changé… si je l'avais appelée pour la voir le soir, elle se serait tout même faite baiser par ce connard avant !
- Ha oui ? Je ne savais pas que tu lisais dans les pensées.
- Pourquoi ? Tu en es capable toi ?
- Non, alors, ne sois pas aussi catégorique. Imagine juste trente secondes l'inverse. Tu lui envoies un message, pas de réponse, tu désespère, et moi j'arrive pour te consoler... C'est peut-être ce qu'il s'est passé, non ?
- … Merde... Comment t’arrives toujours à me donner l’impression que je ne suis qu’un gros con ? Tu fais vraiment chier !
- C'est pour ça que tu m'aimes.
- On a retrouvé mon portefeuille quelque part ?
- Oui, c'est moi qui l'ai.
- Ok, prends ma carte bleue, le code est 8456, tu vas m'acheter un nouveau téléphone. Tu me ramènes le cassé, il est dans le tiroir du haut de mon bureau. J'espère que la SIM est intacte. Je vais essayer de l'appeler.
- Tu ne veux pas essayer du mien ?
- Elle décrochera peut-être si elle voit mon numéro.
Nathalie revint le lendemain avec le nouveau téléphone. Elle avait pris le même modèle que l'ancien pour avoir plus de chances que les données puissent être récupérées. La carte SIM fonctionnait, la carte SD était morte. Ça n'avait pas beaucoup d'importance.
J'avais encore très mal partout. Nathalie se chargea d'initialiser le nouveau portable en suivant les indications que je lui donnais, lui dévoilant au passage tous mes mots de passe pour que la reconfiguration puisse aboutir. Et après de trop longues minutes
- Bon, je crois que c'est bon.
- Les contacts sont là ? Il y a Pauline ?
- Oui... Eh ben... Sympa la photo de profil que tu lui as mis.
- Ce n'est pas le moment.
- Ok... Elle a vraiment de très beaux seins. J'en suis jalouse... Fais pas cette gueule, c'est bon, j'appelle... Désolée, je tombe sur le répondeur directement. Je réessaie ?
- Oui, s'il te plait.
- Non, pareil. Il faudra essayer plus tard. Elle l'a peut-être éteint.
- D'accord... Laisse le à côté de moi que je puisse le récupérer facilement. Qu'est-ce que tu fais ?
- … Je regarde ce que tu as mis comme photo de profil pour moi... Gros pervers ! J'espère que tu as montré ça à personne.
- Ben, je trouve que cette guêpière te va très bien. Tu devrais la porter plus souvent.
- Bon, sur ces conneries, je te laisse. Je repasse demain soir… C’est quoi cette tête ? Tu veux me dire quelque chose ?
- … Je n’arrête pas de faire le même rêve depuis l’accident… Je sais que ce n’est pas vrai, mais ça a l’air réel… Je suis une sorte d’esprit et j’essaie de retenir une femme qui tombe d’un immeuble… Elle s’appelle Camille et c’est ma fille…
- Ta fille ne s’appelle pas Camille.
- Je sais… elle ressemble beaucoup à Pauline, mais ce n’est pas elle… Ça a l’air si réel à chaque fois.
- Arrête ça ! Tu sais que je crois à toutes ces conneries de rêves prémonitoires et tout.
- Pas moi.
- Tant mieux alors… Je ne sais pas si c’est à cause des médicaments ou de ton accident, mais je te conseille de te reposer le plus possible.
Entre le moment où Nathalie est partie et son retour le lendemain, j'avais dû essayer d'appeler Pauline des milliers de fois, envoyé des centaines de SMS. Mais rien... Je tombais tout le temps sur son répondeur directement, elle ne répondait à aucun de mes messages. Et Nathalie m'annonça une nouvelle qui m'inquiétait encore plus
- Je suis passée chez elle... J'ai parlé à un voisin qui m'a dit qu'elle était partie mardi avec un sac et il ne l'a pas revue depuis.
- Partie où ?
- Ben ça, je n'en sais rien. Dans sa famille peut-être ? A sa place, c'est certainement ce que j'aurais fait histoire de me ressourcer.
- … Chez son père...
- Ok, je regarderai dans son dossier demain si je trouve quelque chose.
- Heu... Deep Blue, ça veut dire quelque chose ?
- Ben, c'est un film avec des requins, je crois.
- Je sais, mais je pensais à un truc à caractère sexuel.
- Ah ben non, ça ne me dit rien du tout. Pourquoi ?
- Pour rien.
- Yvan ? Pour te remonter le moral...
Elle ouvrit son chemisier pour me montrer qu'elle portait la guêpière dont nous avions parlé la veille. Elle lui allait vraiment bien, mais je n'avais pas la tête à ça. Je l’ai remerciée, elle avait tout de même l’air déçu. Avant de partir, elle posa ses lèvres sur les miennes, ça ne me fit aucun effet.
Le lendemain, elle m'apporta une copie du dossier de Pauline. Je cherchais juste s'il y avait un numéro de téléphone d'une personne à contacter. Mais non. Par contre, il y avait l'adresse postale de son père.
Les jours passèrent, Pauline restait totalement injoignable. J'arrivais à marcher, mais avec des béquilles. Je me sentais assez en forme pour quitter cet hôpital. Nathalie avait été une perle. Elle venait tous les jours me voir. Mes enfants, accompagnée de mon ex-femme, étaient venus les mercredi et le week-end.
Enfin, le jour de ma sortie. Nathalie vint me chercher. Dans sa voiture, elle me dit
- Dis-moi si j'ai oublié quelque chose : affaires de rechange, brosse à dent, rasoir...
- De quoi tu parles ? Et ce n'est pas la direction pour chez moi...
- Je t'amène à la gare. J'ai oublié de te le dire ? Je t'ai pris un billet de train pour essayer de retrouver Pauline. J'ai aussi loué une voiture avec boîte automatique pour ton arrivée, ça sera plus facile vu ton état.
- Mais...
- Tu me remercieras plus tard.
- … Tu m'enverras la facture.
- Pas besoin, j'ai payé avec ta carte. Par contre, le trajet en train risque d'être long. Il va s'arrêter à plein de petites gares. Désolée, il n'y a pas de ligne directe. Tu arriveras à te débrouiller pour trouver un hôtel sur place ?
- C'est bon, je viens d'avoir quarante ans, je suis un adulte.
- Mouais, ça reste à prouver.
Nous sommes arrivés à la gare. Elle m'accompagna jusqu'au train pour m'aider à m'installer. Elle prit alors un regard que je lui connaissais que trop bien. Elle avait envie de dire quelque chose, mais se retenait. Je lui fis alors
- Bon, accouche.
- Non, c'est rien. Mais... Tu suis l'affaire des profs violeurs ?
- Pas plus que ça. Ça traine vraiment en longueur alors qu'il est évident qu'ils sont tous coupables. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Pour rien. C'est juste une drôle de coïncidence parce que le père de Pauline habite juste dans le village à côté de la ville où ils exerçaient.
- Vraiment ?...
- Bon, il faut que je descende. Bisous mon grand, et soit sage.
- Oui, maman !
- Je t'aime Yvan. Tiens-moi au courant.
Elle m’embrassa chaleureusement, en y mettant même la langue. Elle me caressa la joue en me regardant avec cet air déçu que je ne ressente pas la même chose pour elle. Puis, elle descendit du train.
Je voulais bien croire aux coïncidences, mais là, il y en avait trop avec ces mails à l'avocat, la vidéo où elle devait avoir à peine 18 ans dessus. Et ce qu'elle m'avait dit : elle avait une relation incestueuse avec son père, mais c'était lié à d'autres évènements dont elle ne voulut pas me parler.
Plus le train avançait, plus je comprenais... J'en profitais pour rattraper mon retard de connaissance sur cette affaire des profs violeurs, lisant tout ce que je pouvais trouver sur internet lorsque j'avais un peu de réseau.
La culpabilité des professeurs était évidente. Mais, il n'y avait aucune preuve concernant le directeur. Toutes les victimes avaient témoigné, sauf une, qui était la seule à avoir des éléments contre ce dernier. Aucun nom n'était donné, juste les dates et des faits... Pauline avait 25 ans, elle avait certainement eu son bac à 17 ou 18 ans... Vraiment trop de coïncidences...
Le train s'est arrêté à une gare... Je la reconnaissais... C'était celle où j'étais descendu cinq ans plus tôt, laissant derrière moi cette fille aux cheveux bleus pour qui j'avais eu un coup de foudre immédiat... Cheveux bleus... Blue... Deep Blue ?
J'ai repris mon téléphone, et j'ai cherché à nouveau... Je suis tombé sur une vidéo de cul... C'était bien Pauline avec des cheveux bleus... Il y avait plusieurs vidéos, je ne les ai pas regardées. J'avais l'impression que ma tête allait exploser.